Depuis quelques années, la Commission européenne promeut la « judiciarisation » des procédures conventionnelles de règlement des différends entre investisseurs et États, aux dépends de l’arbitrage traditionnel ad hoc (ou ISDS, selon l’acronyme anglais). La première étape de la réforme afférente verrait la création de systèmes juridictionnels des investissements (SJI) bilatéraux, qui seraient éventuellement remplacés par un tribunal multilatéral des investissements. Le Canada et le Vietnam, dans leurs accords économiques respectifs avec l’Union européenne (UE), sont les deux premiers pays à avoir accepté le nouveau SJI bilatéral, qui prévoit la mise sur pied de tribunaux de première instance et d’appel dont les membres seront nommés par les États parties, pour des mandats de durée fixe.
La première partie du présent texte traite des défis découlant de la mise en œuvre complexe des SJI au sein de l’UE. Ensuite, on analyse les défis posés par la transition des SJI bilatéraux à une juridiction multilatérale ainsi que par la multiplication des SJI. Dans la deuxième partie, il est question des changements de paradigme requis par la transition vers une juridiction véritablement multilatérale, notamment en ce qui concerne la réduction du rôle joué par la nationalité dans la nomination des membres (ou juges) et leur affectation à des affaires, ainsi que l’augmentation de la durée de leur mandat. Dans ces deux cas, cependant, la recherche de l’indépendance du tribunal ne doit pas se faire au détriment du besoin de représentativité des États parties.