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Cet article s’inscrit dans le cadre d’une collaboration entre Statistique Canada et le CIGI visant à discuter des besoins en données d’un monde en pleine évolution.
Les Canadiens ont besoin de politiques fondées sur des données probantes, axées sur des données et établies sur des renseignements de qualité opportuns. Bien que la pandémie ait mis cette réalité en lumière, il s’agit d’un principe que Statistique Canada a toujours mis au cœur de ses valeurs, de sa mission, de son mandat et de ses pratiques. La pandémie de la COVID-19 a aussi montré l’importance de la gouvernance des données et des principes d’intendance des données solides dans un contexte marqué par la rapidité de la numérisation et la transition vers une économie numérique. Dorénavant, les cadres d’intendance des données ainsi que les systèmes et les structures établis sont absolument vitaux pour que les ministères gouvernementaux puissent remplir leurs rôles d’organisations de services publics et continuer de faire en sorte que les Canadiens en aient pour leur argent.
Un nouveau panorama des données
Il est absolument essentiel que Statistique Canada, à titre de bureau national de la statistique (BNS) et d’organisation de la fonction publique, parallèlement à d’autres organismes et services gouvernementaux, s’adapte au nouvel écosystème des données et au nouveau panorama numérique. Le Canada est à la traîne dans les domaines suivant : l’ajustement à la numérisation rapide, l’explosion des volumes des données, la monopolisation croissante du marché numérique par des entreprises privées, la collecte des données étrangères et la gestion des risques associés au partage ou à la réutilisation des données. Si Statistique Canada et la fonction publique veulent tenir le rythme des entreprises privées ou des puissances étrangères dans ce contexte mené par les données numériques et continuer d’offrir des perspectives et des services utiles aux Canadiens, ils doivent s’occuper des craintes liées à la numérisation, à l’interopérabilité et à la sécurité des données en assurant une intendance des données efficace.
Cependant, il ne suffit pas d’avoir des gardiens des données responsables de l’intendance des données : comme l’allègue l’expert en gouvernance des données David Plotkinin dans Data Stewardship: An Actionable Guide to Effective Data Management and Data Governance, les ministères gouvernementaux doivent aussi consulter ces gardiens concernant leurs décisions sur les données dont ils assurent l’intendance de sorte que ces décisions soient prises dans les meilleurs intérêts des personnes qui exploitent l’information. Pour ce faire, il faut des cadres, des politiques et des procédures, de même qu’un intendant qui participe aux processus au fur et à mesure qu’ils se produisent. Selon Plotkin, cette intendance des données doit aussi être intégrée dans les processus d'entreprise, notamment dans le cas de la gestion de projet et des méthodologies de développement de projet. L’intendance et les principes de gouvernance des données doivent être acceptés dans le cadre d’une culture d’entreprise, et les chefs de file de l’intendance doivent orienter par leurs conseils, mener et appuyer ce changement.
Finalement, l’intendance ne se limite pas à la saine gestion des données et aux normes : il est, en effet, important de tenir compte du rôle d’un BNS. La confiance et l’acceptabilité du public revêtent une importance vitale. La licence sociale, ou l’acceptabilité, et la participation du public sont nécessaires pour que les BNS puissent réaliser leurs tâches. On y parvient en pratiquant l’intendance des données et en adhérant aux principes des données ouvertes ainsi qu’en instaurant des processus transparents, la confidentialité et la sécurité ainsi qu’en communiquant la valeur du partage des données par les citoyens.
Il est de la responsabilité des BNS de répondre au besoin de la société en données statistiques opportunes, pertinentes et de grande qualité fournies avec un maximum de transparence tout en protégeant les renseignements personnels et la confidentialité, tant en période de stabilité qu’en cas de crise. Dans un contexte marqué par des changements rapides et des données hautement complexes, il est essentiel que les BNS, et les autres organismes de la fonction publique, créent et maintiennent des stratégies gouvernementales cohésives pour l’ingestion, la consommation et la production des données. À titre de BNS du Canada, Statistique Canada doit tenter d’offrir un meilleur service au plus de 40 millions de Canadiens actuels du pays en facilitant les partenariats et la collaboration afin de construire des systèmes statistiques nationaux robustes, de susciter une croissance économique et d’offrir des services inclusifs efficaces aux citoyens.
Qu’est-ce que l’intendance des données?
À une époque de plus en plus numérique et caractérisée par une explosion des volumes des données, une organisation investie de la production et de la diffusion de données de qualité est solidement formée pour être fermement axée sur les concepts de gouvernance et d’intendance des données. Les établissements, publics et privés, voient l’importance et la valeur générale d’une saine intendance, et s’emploient à développer (ou à re-développer) leurs propres définitions, cadres et stratégies. Cependant, cette activité individuelle signifie que les concepts peuvent varier, entre les secteurs, les organisations, et même les directions ou les départements internes. Cette variation est la raison pour laquelle il est important de définir et de mettre en contexte la façon dont ces concepts seront utilisés.
À l’interne, Statistique Canada considère l’intendance des données comme la gestion et la supervision des ensembles de données de sorte qu’ils soient de grande qualité, facilement accessibles, communicables, réutilisables et utilisés de façon appropriée. L’intendance des données permet la bonne gestion des ensembles de données tout au long du cycle de vie. Une bonne gestion signifie, entre autres, que les données sont produites ou recueillies, traitées, entreposées, gérées, analysées et communiquées de façon éthique et efficace de sorte à assurer la préservation des renseignements personnels, la confidentialité et d’autres aspects de la sécurité. Il faut assurer la conservation intergénérationnelle des ensembles de données pour qu’ils profitent à toute la communauté des utilisateurs de données et qu’ils servent au bien public.
L’intendance des données est, bien sûr, l’une des principales fonctions des BNS. C’est pourquoi Statistique Canada a soigneusement considéré sa compréhension de l’intendance des données, qui apparaît nécessairement dans la Stratégie sur les données de Statistique Canada (SDSC). L’approche de l’intendance des données de la SCDS comprend les quatre capacités ou cibles des données suivantes : la découverte, la numérisation, l’interopérabilité et la gestion. Ces quatre concepts, qui sont des principes fondamentaux de l’intendance des données, sont essentiels pour rendre possible l’efficacité de la gouvernance des données que Plotkin décrit comme l’exercice d’une prise de décisions et d’une autorité judicieuses par des politiques, des procédures, des règles et ainsi de suite pour gouverner les données. L’intendance des données est l’aspect de la gouvernance des données, le travail quotidien qui officialise et rend effective la responsabilité de la gestion des ressources d’information de façon éthique et efficace tout au long du cycle de vie des données. Statistique Canada s’est engagé à renouveler la SCDS pour l’aligner sur la nouvelle Stratégie relative aux données pour la fonction publique fédérale.
Les quatre capacités d’intendance des données que Statistique Canada cible — la découverte, la numérisation, l’interopérabilité et la gestion des données — sont des véhicules ou des mécanismes par lesquels l’efficacité de l’intendance des données est assurée durant tout le cycle de vie des données. La découverte des données désigne l’initiative qui consiste à accorder la priorité aux données et aux renseignements déjà présents dans l’écosystème des données (c’est-à-dire les données administratives) avant d’utiliser d’autres méthodes de collecte. Cette façon de procéder réduit le fardeau des réponses au sondage pour les citoyens, est plus rentable et accroît l’opportunité des données. La numérisation des données décrit le plan de transformation numérique que nombre d’établissements ont commencé à mettre en œuvre : pour systématiser et automatiser le plus possible; pour collaborer avec d’autres secteurs; pour renouveler une infrastructure des technologies de l’information vieillissante et pour construire uniquement lorsque c’est nécessaire afin d’améliorer l’agilité, la réactivité, l’opportunité et, en bout de ligne, la rentabilité. L’interopérabilité permet d’obtenir et de traiter des données de plusieurs sources, puis d’intégrer ces données mutuellement compréhensibles à des fins de liaison, de partage, de cartographie, de visualisation, et d’autres formes de représentation et d’analyse. Finalement, la gestion des données est activée (et active) par l’entremise des autorités, des systèmes et des contrôles de gouvernance des données, et désigne l’organisation, la vérification, l’itération et le maintien des processus liés aux données pour répondre aux besoins continus du cycle de vie de l’information et adhérer aux règlements, aux politiques et aux procédures liés à la gouvernance numérique.
De même qu’une organisation chargée de remplir la fonction de contrôleur est, en bout de ligne, responsable de l’intégrité de ses processus, modèles de prestation et systèmes financiers, la section de Statistique Canada chargée de l’intendance des données est responsable de l’intégrité des données et des processus connexes tout au long de la chaîne de valeur ou du cycle de vie des données. Ces principes opérationnels et tactiques de saine intendance s’associent pour décrire un niveau de maturité et de sophistication des données que les institutions du monde entier font tout leur possible pour atteindre par des stratégies sur les données intentionnelles et priorisées. Un important concept qui rend possible cet effort est la normalisation.
L’intendance et la normalisation des données
Le Conseil canadien des normes définit les normes des données comme les directives par lesquelles les données sont recueillies, décrites et enregistrées, de même que les pratiques, les exigences technologiques et les terminologies acceptées pour le domaine. Les normes donnent aussi de l’information sur les données recueillies pour faciliter une meilleure compréhension et une meilleure interprétation de ces données. Afin de partager, d’échanger et de comprendre intégralement les données, tant le format que la signification des données doivent être normalisés. Si les normes sont respectées, on peut mieux intégrer les données recueillies au fil du temps de différentes sources pour tirer le maximum de profit de leur productivité. Les données constituent le fondement sur lequel on peut consolider l’information statistique pour accroître la capacité d’interopérabilité en éliminant la nécessité de conformer les données ou les métadonnées aux nouvelles spécifications et réduire le temps pris pour nettoyer et traduire les données, la deuxième étape étant un obstacle courant à l’analyse des données qui, selon Plotkin, représente la majorité du temps de travail des utilisateurs de données.
Au vu des méthodes statistiques traditionnelles, le fait d’avoir des normes en place, ainsi que l’infrastructure pour surveiller, évaluer et améliorer ces normes, réduit aussi les ressources requises pour développer et maintenir les sondages. Cela est vital, car les BNS du monde entier cherchent à tirer parti de la puissance de la numérisation et des « mégadonnées » non seulement pour accroître l’efficacité et l’efficience des données à des fins d’usage public, mais aussi pour réduire les réponses au sondage et les fardeaux financiers des systèmes statistiques traditionnels (financés par des fonds publics) sur les citoyens. C’est pourquoi, dans le monde entier, nombre de BNS incorporent les normes des données directement dans leur stratégie sur les données et leurs cadres d’intendance des données.
Par ce travail, Statistique Canada doit non seulement s’assurer que la qualité des données est uniforme sur les plans temporel et géographique, mais aussi aider, d’une part, à équiper, les intervenants des secteurs public, privé et universitaire qui produisent et gèrent des données pour qu’ils puissent mieux intégrer les données de diverses sources et, d’autre part, à habiliter les partenaires étrangers à se conformer à ces obligations transnationales, notamment le règlement général sur la protection des données (RGPD), qui, en bout de ligne, encouragent la comparabilité des données entre les pays.
Les aspects de l’intendance des données de Statistique Canada
Qu’on la juge technique, infrastructurelle, environnementale ou culturelle, l’intendance des données occupe, et c’est normal, une place de choix dans les stratégies sur les données émergentes de toute la fonction publique, tant au Canada qu’à l’étranger. Statistique Canada a mis à profit sa définition en quatre volets de l’intendance des données (dont les concepts de la découverte, de la numérisation, de l’interopérabilité et de la gestion indiqués ci-dessus) en développant une approche cohésive de l’intendance des données dans toute la chaîne des valeurs et en y incluant nombre de domaines du processus statistique. Cette approche comprend un engagement très nécessaire envers 10 aspects de l’intendance des données durant tout le cycle de vie des données : l’expertise en la matière, la qualité, les normes, la gestion, le partage et l’accès, les stratégies, la science, l’analyse, la gouvernance, la protection et la littératie (voir Graphique 1).
Graphique 1 : Aspects de l’intendance des données
Afin d’assurer l’intendance efficace des données durant tout leur cycle de vie, Eric Rancourt (dirigeant principal des données à Statistique Canada) a développé le modèle des « quatre P » de la gestion du cycle de vie des données : Procurer, Protéger, Préparer et Partager (voir Graphique 2).
Dans le système de Rancourt, le Procurer désigne l’ingestion de toutes les données, dont la collecte et l’intégration des ensembles de données à l’aide de divers systèmes d’acquisition, ainsi que des instruments politiques et des cadres législatifs éthiques grâce auxquels Statistique Canada peut obtenir des données et de l’information. Pour ce qui est de Protéger les données, il s’agit d’accorder une attention particulière à l’accès à des droits et à des privilèges pour respecter les principes de la « protection intégrée des renseignements personnels », de réaliser des vérifications des données, de rendre compte de la conformité, de systématiser la surveillance continue des données et les protocoles de sauvegarde et de mettre régulièrement à jour les normes associées aux métadonnées et les systèmes de classification. Pour Préparer les données, on nettoie, organise, traite, transforme, intègre et extrait les données à diverses fins de sorte à assurer leur optimisation et leur conformité (et leur développement continu) aux cadres de qualité des données. Finalement, Partager signifie qu’on assure l’obtention et l’interopérabilité des données, que la diffusion des données se produit régulièrement selon des normes de qualité et d’accessibilité et que les métadonnées appropriées sont disponibles selon les exigences de l’entreprise.
Graphique 2 : Les « quatre P » de l’intendance des données alignées sur les quatre capacités de l’intendance des données de la SCDS
L’objectif de Statistique Canada, et de la fonction publique en générale, est d’accroître la découvrabilité des données et d’être « ouvert par dessein », en ayant des données ouvertes, des métadonnées, de la méta-information et de l’analyse. En organisant des activités d’intendance des données parallèlement à ces phases du cycle de vie des données et en les alignant sur notre rôle général de BNS qui, effectivement, consiste à procurer, à protéger, à préparer et à partager les données, a été extrêmement utile. Cette méthode nous a permis de faire en sorte que les données soient utilisées et réutilisées efficacement et de façon optimale, que des données de grande qualité soient constamment découvrables et accessibles, que l’on tire parti de façon appropriée de l’expertise, que la normalisation soit maintenue et que la confiance et l’engagement publics soient préservés et encouragés grâce à des processus éthiques et transparents. En bout de ligne, elle assure notre adhésion aux principes directeurs FAIR applicables à l’intendance et à la gestion des données scientifiques. FAIR signifie trouvable (findable), accessible (accessible), interopérable (interoperable) et réutilisable (reusable), des principes développés par divers intervenants en 2016 pour orienter les personnes qui souhaitent améliorer la réutilisation de leurs archives de données et mettre l’accent sur l’optimisation de la capacité des machines de trouver et d’utiliser automatiquement les données, en sus de favoriser leur réutilisation. »
Les BNS comme experts en la matière des données et des systèmes statistiques
Conformément à son mandat établi en vertu de la Loi sur la statistique (1985), Statistique Canada doit recueillir, compiler, analyser, extraire et publier de l’information statistique concernant les activités et les situations commerciales, industrielles, financières, socio-culturelles et économiques, entre autres, des personnes du Canada. Conformément aux Principes fondamentaux de la statistique officielle des Nations unies, la mission de l’agence est de fournir aux Canadiens de l’information statistique importante de grande qualité afin d’offrir des renseignements aiguisés en vue d’un meilleur pays pour tous, tout en maintenant la confiance, l’utilité, la bienveillance, l’inclusion, la curiosité et l’innovation.
Afin de remplir notre mandat dans le contexte actuel de l’explosion des volumes de données et de la numérisation et afin de nous conformer aux principes énoncés par les Nations Unies pour les données statistiques officielles, Statistique Canada et d’autres BNS du monde entier doivent continuer à innover et à demeurer agiles. Lorsqu’on manque, utilise à mauvais escient, ré-utilise inefficacement ou transmet de façon non efficiente des données, cela a des répercussions directes sur la capacité des données de fournir des renseignements adéquats sur la vie au Canada, ce qui empêche ensuite les décideurs de développer, d’évaluer et d’améliorer les politiques publiques. C’est pourquoi les agences doivent adapter leur rôle d’intendance des données et trouver de nouvelles sources de données et de nouvelles méthodes de collecte, de nettoyage et d’analyse pour continuer de fournir des renseignements statistiques qui conservent leur utilité pratique. Statistique Canada doit conserver son engagement envers l’amélioration de la normalisation et de la gouvernance de l’accès et du partage de ces source de données. À titre d’experts en la matière et de fonctionnaires, les statisticiens et les professionnels des données ont une responsabilité éthique d’offrir des directives et du soutien transparents dans ces domaines.
Une intendance des données judicieuse a des avantages sociétaux et contribue au bien public parce qu’elle permet des activités éthiques et engendre la confiance, la licence sociale et le soutien public nécessaires au travail du BNS. Elle réduit au maximum l’utilisation abusive des données et permet la ré-utilisation des données, ce qui nous permet d’obtenir les données déjà présentes dans l’écosystème. Elle facilite aussi le partage des données et l’utilisation de nouvelles sources de données complémentaires. Toutes ces fonctions améliorent directement ou indirectement la confiance du public et accroissent la détermination, en suscitant des économies de temps et d’argent, en diminuant le fardeau de réponse, en augmentant la rentabilité des données et en facilitant la communication de ce bénéfice aux Canadiens. Une intendance des données judicieuse correspond à l’appel de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à un passage d’un « cycle vicieux » de sous‑développement statistique à un « cycle de données vertueux ». Dans son Rapport sur la coopération pour le développement de 2017, l’OCDE a discuté du rôle des systèmes statistiques nationaux dans la révolution des données en affirmant qu’un accroissement des efforts de planification et de production, de diffusion des données et de communication de la rentabilité des données aux citoyens et aux partenaires donne lieu à une approche plus productive et plus vertueuse.
Le Conseil économique et social de l’ONU a établi que les BNS sont bien placés pour mener à bien l’intendance des données. Il n’est pas rare que les BNS affectent la fonction du statisticien, de même que la prise des décisions relatives aux données et au processus statistiques, à d’autres ministères et organismes gouvernementaux. Les BNS sont naturellement bien placés pour être investis d’un rôle d’intendance des données, non seulement en raison de leur expertise en la matière concernant l’application stratégique des données, mais aussi à cause de leur expertise concernant la gouvernance et l’intendance des données, de leur nature non partisane, de leurs solides fondements en normalisation des données, de leurs cadres de grande qualité et de la priorité qu’ils accordent à la protection des renseignements personnels. À titre d’experts en systèmes statistiques ainsi qu’en gouvernance et en intendance des données, les BNS possèdent une expérience unique et ont la capacité de situer les données recueillies au niveau macro, ce qui leur permet de mettre en contexte les relations entre différents domaines, et ainsi de faciliter l’intendance judicieuse des données, de conférer une plus grande valeur aux données et d’améliorer l’analyse.
Dans un contexte où les BNS appuient activement les projets liés aux données menés dans l’ensemble du gouvernement, et où le BNS du Canada jouit d’une renommée internationale, à quoi pourrait ressembler la contribution de Statistique Canada dans ce qui est connu pour être un important passage vers une approche de l’intendance des données axée sur l’ensemble du gouvernement? Ce changement a eu lieu dans le cadre du partenariat collaboratif entre Statistique Canada, le Bureau du Conseil privé et le Secrétariat du Conseil du Trésor pour fixer de « nouvelles priorités, de nouveaux objectifs et de nouvelles attentes » telles qu’elles ont été publiées dans la Stratégie relative aux données pour la fonction publique fédérale pour 2023–2026. Ce partenariat a tiré parti de chaque expertise en la matière et de la couverture législative de l’organisation pour créer une nouvelle stratégie sur les données d’une façon qui positionne au mieux la fonction publique pour offrir des conseils fondés sur des données probantes aux ministres et mieux appuyer l’utilisation stratégique des données, tout en maintenant un engagement à toute épreuve envers la protection des renseignements personnels des citoyens.
L’évolution du rôle des BNS dans l’intendance des données : qu’est-ce qui est en jeu?
Il n’en demeure pas moins que nombre d’organisations qui font des recherches n’ont actuellement pas suffisamment de politiques qui gouvernent la gestion des données, selon une analyse des lacunes publiées en 2008 par Données de recherche Canada. Là où des politiques existent, les principes ou le cadre sur lesquels elles se fondent sont obscures ou implicites. Il y a d’énormes lacunes au niveau de la conservation des données tout au long de leur cycle de vie, ainsi qu’aucun mécanisme pour déterminer, évaluer ou exécuter les rôles et les responsabilités. Suite à cette même analyse des lacunes, on a constaté que très peu d’agences possèdent les compétences, les politiques et l’expertise nécessaires pour recueillir, préserver et gérer des données ou les rendre publiquement accessibles à l’échelle requise. Des professionnels de l’industrie tentent encore de mettre le doigt sur les défaillances et les problèmes et s’accordent pour dire, sans équivoque, que l’intendance des données joue un rôle primordial. Actuellement, il faut étendre les activités liées à l’intendance et faire en sorte qu’elles soient appuyées par des spécialistes des données et des professionnels de l’information. L’objectif est de faire en sorte que les chercheurs soient bien éduqués concernant les principes et l’importance de l’intendance des données, et connaissent bien leurs propres rôles et responsabilités à cet égard. Face à la rapide accélération de la prolifération des données, à la demande croissante et au potentiel de partage des données et de collaboration, tant les BNS que les organisations de gouvernance publique ont besoin de ré-imaginer l’intendance des données pour en faire une fonction et un rôle qui couvrent une palette plus vaste de buts et de responsabilités.
La vérité est que, comme Robert Fay et Michel Girard l’ont dit dans un autre article de cette série, en dépit du fait qu’il s’inscrive parmi les chefs de file mondiaux en statistiques officielles, le Canada est à la traîne dans l’économie des données numériques. Or, dans une économie mondiale de plus en plus numérique où les données sont un actif puissant, il est dans les meilleurs intérêts de notre pays de combler cette lacune le plus rapidement possible. Fay et Girard soulignent que les pratiques, les lois et les outils actuels ne sont pas propices au partage intelligent et sécuritaire des données et, par extension, à la gouvernance efficace des données. Depuis des années, des intervenants de nombreux domaines recommandent à la fonction publique fédérale de créer un cadre national axé sur l’intendance, le partage et la ré-utilisation des données. Fay et Girard allèguent que ce cadre d’intendance des données est essentiel pour traiter les données comme il se doit, c’est-à-dire comme des actifs stratégiques, et qu’il devrait faciliter les collaborations axées sur les données tout en asseyant la souveraineté des données nationales. L’une des mesures les plus importantes que le gouvernement canadien peut prendre pour habiliter et faciliter le partage des données consiste à construire une infrastructure de partage des données.
Des initiatives sont déjà en cours, à Statistique Canada et dans toute la fonction publique, pour rectifier la situation ainsi que pour coordonner une approche gouvernementale de l’intendance des données provenant de sources publiques, privées et industrielles. La Charte numérique du Canada a été développée pour veiller à ce que les renseignements personnels soient protégés et que la confiance soit maintenue, que l’innovation suscitée par les données soit axée sur les êtres humains et que les organisations canadiennes puissent devenir des chefs de file mondiaux de l’innovation qui accueillent à bras ouverts les avantages de l’économie numérique. La Loi sur la mise en œuvre de la Charte numérique (2022) a modernisé ce cadre de protection des renseignements personnels dans le secteur privé et introduit de nouvelles règles concernant le développement et le déploiement de l’intelligence artificielle (IA) dans le cadre de trois lois proposées : la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, la Loi sur l’intelligence artificielle et les données, et la Loi sur le Tribunal de la protection des renseignements personnels et des données.
D’autres initiatives, notamment le développement de stratégies sur les données nationales pour des secteurs spécifiques et de cadres d’intendance pour les agences, la création de bureaux et de ministères fédéraux chargés de l’intendance des données, la nomination d’un dirigeant principal des données du Canada, le développement de nos capacité en matière d’apprentissage-machine et d’IA, la mise en priorité de la normalisation et du partage des données ainsi que l’importance des fondements et des compétences basés sur les données, seront toutes des pièces vitales du puzzle global de la stratégie sur les données, nécessaires pour que nous puissions améliorer notre système statistique national et continuer de faire en sorte que les Canadiens en aient pour leur argent. On trouve également cette croissance et ce développement zélés concernant le traitement des données comme un bien chez les BNS avec lesquels nous collaborons à l’étranger.
Bien qu’il n’y ait pas de méthodes statistiques ni de cadres d’intendance qui conviennent de façon optimale à toutes les circonstances en fonction des besoins des utilisateurs, les objectifs progressifs et les avantages que l’on recherche pour les citoyens permettront le développement de méthodes et d’approches adaptées aux besoins. Les BNS ont dû continuer à modifier leurs points de vue concernant la signification du terme « bonnes données » et, ce faisant, se sont davantage ouverts aux possibilités qui accompagnent les partenariats stratégiques et l’utilisation accrue des mégadonnées. On associe actuellement les outils du statisticien, soit les sondages et les données administratives, à des méthodes novatrices, comme les estimations rapides, les ajustements à des attributs variables, les expériences auto‑signalées et la mise à profit des sources administratives, afin de fournir les données détaillées à large spectre nécessaires pour éclairer le public et permette la prise de décisions politiques efficace.
Cette innovation est certainement passionnante et prometteuse, mais les changements rapides de l’économie numérique qui ont suscité cette croissance et ce développement ont aussi révélé de sérieux problèmes. On a, en effet, cerné des lacunes au niveau des données, souligné l’importance de l’opportunité et soulevé des questions concernant la protection des renseignements personnels, la confidentialité et la confiance du public : tous ces éléments confirment la nécessité de mettre en œuvre des initiatives d’intendance des données coordonnées et efficaces, au Canada et dans le monde entier.
Conclusion
Que ce soit pour habiliter la prise de décisions axées sur les données, ou remédier à d’autres problèmes nationaux en lien avec les données, comme la collecte de données étrangères et le pouvoir croissant des entreprises privées sur le marché numérique, la coordination et l’innovation sont nécessaires pour offrir de meilleurs résultats aux Canadiens. Pour obtenir ces résultats, la fonction publique du Canada a besoin d’une approche gouvernementale cohésive de la gouvernance et de l’intendance des données, appuyée par une adhésion fédérale uniforme et une mise en œuvre dirigée. Bien que ce besoin soit suffisamment clair, des questions demeurent concernant le meilleur moyen de concrétiser cette vision. Comment la fonction publique crée-t-elle l’infrastructure et les politiques nécessaires pour l’accomplir? Quel est le rôle du BNS dans cette initiative? Comment pouvons-nous améliorer le partage et l’utilisation (la ré-utilisation) des données tout en demeurant éthique et en maintenant la confiance du public et l’acceptabilité sociale? Voilà des questions qui nécessitent notre attention immédiate si la fonction publique doit conserver la pertinence et la confiance du public et si le Canada doit tenir le rythme de la rapide évolution du contexte actuel des données numériques.
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